concrétisez vos exigences environnementales
«Taste the waste», du cinéaste Valentin Thurn, vient de sortir en Allemagne. Après «We feed the world» et «Solutions locales pour un désordre global», ce nouveau documentaire se penche sur les circuits de l'industrie agro-alimentaire - cette fois plus spécifiquement sur le sujet du gaspillage et dénonce la logique économique qui développe ce phénomène.
Le documentaire s’ouvre sur deux personnes cheminant dans les rues de Vienne, la capitale autrichienne, la nuit. Elles s’arrêtent devant de grandes poubelles de supermarchés, en examinent le contenu lampe de poche à la main, se penchent et en ressortent des denrées alimentaires en parfait état de consommation. Ces deux noctambules expliquent ensuite à la caméra qu’ils font partie du mouvement «déchétarien». Militant, ce mouvement, qui consiste à récupérer des invendus alimentaires échoués dans les bennes, entend dénoncer l’énorme gaspillage alimentaire dans les pays industrialisés en se retirant de la logique économique de l’hyper-consommation. Partant des «déchétariens», le réalisateur allemand Valentin Thurn part alors à la recherche des causes qui conduisent à ces poubelles de supermarchés remplies de produits alimentaires encore consommables.
Son dernier documentaire, «Taste the waste», dévoile les absurdités d’une logique économique conduisant à la surabondance d’un coté et à l’extrême pauvreté de l’autre.
Plus de la moitié des produits alimentaires se retrouvent à la poubelle, la plupart avant même d’avoir atteint un linéaire de supermarché. Des pommes de terre trop grosses, trop petites, des tomates pas assez rouges, des concombres pas assez droits,
Les normes érigées par la grande distribution obligent les producteurs à jeter jusqu’à 50% de leurs productions. Les facteurs esthétiques priment sur les facteurs nutritifs.
A ce stade, Valentin Thurn fait intervenir Felicitas Schneider, chercheur à l’Institut des sciences des déchets à Vienne, une des rares scientifiques à se pencher sur la problématique économique des déchets. Aux termes d’un examen de 10 semaines des poubelles d’une enseigne discount, il ressort que 45 kilos de denrées alimentaires partent à la benne - par jour et par filiale, alors que les produits restent parfaitement consommables. Seulement, ils ne correspondent plus aux normes du supermarché. Le scénario est le même au Japon, aux Etats-Unis, en Allemagne, en France, où le documentariste allemand a pu filmer dans un supermarché et les halles de Rungis. L’image des piles de crevettes et de poissons en partance pour la benne est difficile lorsque l’on connait la surexploitation des ressources halieutiques.
90 millions de tonnes de denrées alimentaires jetées chaque année en Europe
Car un tel gaspillage ne passe pas sans de sérieuses répercussions environnementales, climatiques et économiques. En plus de la surexploitation de la mer, s’ajoute bien sur l’agriculture, une des principales sources d’émissions de GES dans le monde, qui engloutit d’énormes quantités d’énergie, d’eau, d’engrais, de pesticides mais aussi de surfaces agricoles - en tout premier lieu dans les pays en développement. «Taste the waste» montre le cas d’un agriculteur camerounais qui a vu une grande partie de son terrain exproprié au profit d’une bananeraie. Cet agriculteur a depuis toutes les difficultés à nourrir sa famille - « Combien de fois nous mangeons de la viande ? Zéro », confie-t-il à la caméra - alors qu’une partie de la production sur la plantation de banane part à la poubelle parce qu’elle ne correspond pas aux normes des distributeurs européens. Pire : le documentaire montre comment le gaspillage alimentaire conduit à l’expansion de la faim dans les pays en développement et en fait la démonstration par le pain. Partant du principe bien connu que le besoin crée la demande, le fait de jeter du pain à la poubelle contribue à maintenir une demande élevée. « Nous envoyons un signal sur les prix dans les pays en développement », précise dans le film Joachim von Braun, du Centre de recherche sur les politiques du développement. Un signal que les spéculateurs ont bien saisi. Plus les céréales sont consommées (ou jetées), plus les prix grimpent, plus la bulle spéculative gonfle. Le film renvoie aux émeutes de la faim qui ont sévi en 2008 - et rappelle que trois millions de tonnes de pain, 90 millions de tonnes de denrées alimentaires sont jetées chaque année en Europe, soit deux fois la quantité nécessaire pour nourrir tous ceux qui souffrent de la faim dans le monde...
«Taste the waste» parviendra-t-il à une meilleure sensibilisation des consommateurs et des politiques ? Toujours est-il qu’un nombre important de manifestations contre le gaspillage alimentaire, de séances publiques, de campagnes et de déclarations politiques ont vu le jour dans tout le pays suite aux premières diffusions du film. Le Ministère de l’agriculture vient d’annoncer le lancement de la première étude nationale sur le gaspillage alimentaire en Allemagne, ce qu’il avait toujours refusé de faire jusqu’à présent. L’industrie agro-alimentaire et ses distributeurs restent discrets pour le moment. Mais elle continue à intéresser des réalisateurs. Grâce au cinéaste Wilfried Huismann, (qui a réalisé «Le pacte avec le Panda» consacré au WWF, voir article lié), le public germanophone sera prochainement en mesure de connaître les dessous peu ragoûtants de l’industrie du saumon au Chili et en Norvège...
La prochaine session plénière se déroulera du 16 au 19 janvier. Outre l'élection du président et des vice-présidents du Parlement, l'un des principaux sujets débattu lors de cette session concernera la chaîne alimentaire : déséquilibres au sein de la chaîne d'approvisionnement alimentaire, chaîne de distribution des intrants agricoles, ou encore gaspillage alimentaire. L'eurodéputé italien Salvatore Caronna (S&D) a rédigé un rapport dans ce dernier domaine, se concentrant sur la façon d'éviter ce gaspillage.
Selon une étude de la Commission européenne, le gaspillage alimentaire dans les 27 Etats membres de l'UE s'élève à 89 millions de tonnes (soit 179 kg par personne). En 2020, ce chiffre devrait augmenter de 40 % et atteindre les 140 millions de tonnes. Or ce gaspillage concerne de plus en plus des denrées alimentaires encore tout à fait comestibles. D'autre part, selon la FAO (Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture), en diminuant les pertes d'après récoltes (environ 14 %) et les pertes au niveau de la distribution et de la consommation, il serait possible de couvrir les trois cinquièmes de l'augmentation de la production nécessaire de céréales dans le monde d'ici 2050.
Afin d'alerter l'opinion et d'inciter les Etats membres, le Conseil et la Commission européenne à agir, ce rapport propose de définir le thème du gaspillage alimentaire comme l'une des priorités à inscrire au sein de l'agenda politique européen. Il propose en outre de déclarer l'année 2013 "Année européenne de lutte contre le gaspillage alimentaire".
Avec pour objectif la diminution de moitié du gaspillage alimentaire d'ici 2025, ce rapport met en avant des pistes afin de le réduire à tous les niveaux de la chaîne agroalimentaire, tout en prenant en compte les nombreux domaines touchés : climat ou encore économie.
Mais avant toute chose, les eurodéputés soulignent le flou entourant la définition même du gaspillage alimentaire, et notamment la différence qui existe entre cette notion et celle de déchet alimentaire. Le gaspillage alimentaire correspond à l'ensemble des produits alimentaires écartés de la chaîne agroalimentaire pour des raisons économiques ou esthétiques, ou en raison de la proximité de la date de péremption. Mais ces aliments sont encore tout à fait comestibles. La non-utilisation de ces denrées entraîne leur traitement en tant que déchets alimentaires. Leur élimination possède de nombreux points négatifs tant économiquement qu'au niveau environnemental.
L'impact environnemental du gaspillage alimentaire est impressionnant. En effet, comme le souligne les députés européens, "les montagnes de nourriture non consommée" entraînent une production très importante de méthane, gaz à effet de serre 21 fois plus puissant que le dioxyde de carbone. Cette production est due à la fois aux rejets gazeux de la production des denrées alimentaires, mais également au conditionnement et au transport de celles qui seront jetées.
Le saviez-vous ?
En Europe, près de 89 millions de tonnes de nourriture gaspillée produisent 170 millions de tonnes d'équivalent Co2.
En outre, les députés encouragent les Etats membres à promouvoir la production durable à petite et moyenne échelle, liée à la consommation et aux marchés locaux et régionaux. Pour ce faire, ils demandent également à la Commission européenne, dans le cadre de la future politique agricole commune (PAC), de garantir des financements suffisants pour encourager le secteur primaire, ainsi que les filières courtes ou à kilomètre zéro.
Les députés européens souhaitent, d'autre part, que la Commission européenne se penche sur l'impact d'une politique coercitive des déchets sur les comportements de gaspillage alimentaire. Se positionnant pour la mise en place d'une telle politique, ils souhaitent qu'elle intègre le principe de "pollueur-payeur".
Avant d'exposer ses propositions, le rapport met en avant les différentes causes du gaspillage alimentaire. Elles révèlent que ce phénomène touche réellement tous les niveaux de la chaîne de production alimentaire : surproduction, détérioration des produits, normes de commercialisation, mauvaise gestion des stocks, ou encore les stratégies de marketing. Le rapport prône donc un effort d'amélioration en permanence du traitement, du conditionnement, et du transport des produits que ce soit de la part des acteurs de la transformation, des détaillants ou encore des Etats membres.
La première étape de la chaîne agroalimentaire est celle de la production. Le rapport souligne que l'agriculture utilise efficacement les ressources dont elle dispose. Il met en exergue que ce domaine peut jouer un rôle important dans la lutte contre le gaspillage, il exhorte donc la Commission européenne à prendre en compte ce facteur dans ses prochaines propositions législatives. En outre, les députés européens ont également souhaité qu'une action conjointe soit mise en place en matière d'investissement dans les domaines de la recherche, de la science, de la technologie, de l'éducation, du conseil, ainsi que de l'innovation dans l'agriculture dans le but de réduire le gaspillage alimentaire.
L'autosuffisance alimentaire dans les pays en développement pourrait être amplifiée avec l'amélioration des infrastructures agricoles et des techniques de production. Les députés européens invitent la Commission européenne à soutenir des actions dans ce sens.
Le rapport mentionne également la nécessité de recommandations de la Commission européenne et des Etats membres en ce qui concerne la chaîne du froid. En effet, si la température n'est ni optimale, ni appropriée, les denrées alimentaires risquent de ne plus être consommables.
Le rapport souligne que la définition du calibrage et de la forme des fruits et des légumes frais est source de gaspillage. Même si cela paraît logique, les députés invitent les acteurs de ce tri à prendre conscience de la valeur tout aussi nutritionnelle de produits présentant des formes ou des calibres imparfaits.
D'autre part, les députés européens se sont également penchés sur le lien entre gaspillage alimentaire, emballage et étiquetage des aliments. Ils mettent ainsi en avant une enquête de la Commission européenne qui révèle que 18 % des citoyens européens ne comprennent pas correctement la mention "à consommer de préférence avant le". Les entrepreneurs sont dès lors incités à expliquer les dates indiquées sur l'étiquette, afin de permettre aux consommateurs d'effectuer un choix éclairé :
• la mention "à consommer de préférence avant le" qui correspond à la qualité du produit ;
• la mention "à consommer jusqu'au" correspond quant à elle à la sûreté du produit.
Les députés souhaitent en outre développer les investissements dans des méthodes visant à diminuer le gaspillage alimentaire au sein de l'industrie agroalimentaire. La diminution des pertes de denrées alimentaires engendrerait une réduction du prix de ces derniers. A cette fin, il est demandé à la Commission :
• de définir des instruments et des actions visant à stimuler d'avantage la participation des acteurs de l'industrie agroalimentaire à la lutte contre le gaspillage alimentaire (entreprises agroalimentaires, marchés de gros, chaînes de distribution, etc.) ;
• de mettre l'industrie agroalimentaire face à ses responsabilités, notamment en les encourageant à revoir le volume des emballages des denrées alimentaires afin de s'adapter aux compositions diverses des ménages.
Enfin, des dispositions relatives au comportement des consommateurs, acteurs finaux de cette chaîne, sont également présentes au sein du rapport. Il est notamment question de "leur éducation" face à la conservation des aliments. Les députés invitent ainsi la Commission européenne à éditer un guide explicatif sur la conservation des denrées alimentaires et l'usage de ces produits proches de la date de péremption. Le rapport insiste également sur l'aspect préventif de la lutte contre le gaspillage alimentaire auprès des consommateurs. Il demande dès lors à la Commission européenne de fixer des objectifs spécifiques dans ce domaine pour les Etats membres qu'ils devront atteindre d'ici 2014.
Cependant, la diminution du gaspillage alimentaire à tous ces niveaux doit également passer par une coopération accrue entre les acteurs de la chaîne agro-alimentaire.
Le rapport souligne que de nombreuses plateformes de discussions existent, ces dernières fournissant des travaux pertinents pour la lutte contre le gaspillage alimentaire : la FAO bien sûr, mais également le forum européen du commerce de détail sur la durabilité, le forum à haut niveau sur l'amélioration du fonctionnement de la chaîne d'approvisionnement alimentaire, ou encore le réseau informel d'Etats membres baptisé "Friends of Sustainable Food".
Les députés européens en appellent également aux institutions européennes !
Le nombre important de fonctionnaires européens nécessitent un lourd système de restauration. Les députés européens en appellent à la prise de mesures urgentes afin de diminuer la quantité importante de denrées alimentaires jetées dans les cantines des différentes institutions européennes.
Il est conseillé aux acteurs d'échanger leurs bonnes pratiques, aussi bien au niveau européen que national, qu'ils soient professionnels, chercheurs, administrations régionales ou locales, ou encore associations. Une meilleure coordination entre les Etats membres est également préconisée, ainsi qu'à une plus petite échelle, entre les producteurs et les consommateurs. Ces différentes coopérations permettront une meilleure sensibilisation de l'opinion publique vis-à-vis de la valeur des denrées alimentaires et des produits agricoles, et face aux causes du gaspillage. Le rapport va même jusqu'à encourager l'établissement de cours d'éducation alimentaire (comment stocker, cuisiner et jeter les aliments), à tous les niveaux de l'enseignement, et notamment dans l'enseignement supérieur.
Parmi les propositions du rapport pour lutter contre le gaspillage alimentaire, la redistribution gratuite ou à prix promotionnels des denrées alimentaires non conformes du point de vue de leur calibre et de leur forme, ainsi que celles proches de leur date de péremption est plusieurs fois présentée par les députés européens. Cette redistribution consisterait, pour les détaillants, à diminuer substantiellement le prix des produits alimentaires frais quand ils approchent de leur date limite de vente. Outre un aspect de réduction des stocks, cette démarche présente un avantage clair pour les consommateurs, notamment ceux à faible revenu, en leur permettant d'acquérir des denrées alimentaires à un prix bon marché. Mais un obstacle persiste : certains Etats membres interdisent la vente à perte de nourriture. Les eurodéputés déplorent cette situation et incitent ces Etats à changer leur législation.
Une autre solution est proposée dans le domaine de la passation des marchés publics. Les députés invitent ainsi la Commission européenne à mettre en œuvre des règles dans ce domaine afin de privilégier les entreprises qui garantissent la redistribution gratuite des invendus et qui encouragent les actions concrètes en vue de la réduction du gaspillage alimentaire. Toujours dans ce domaine spécifique, les eurodéputés s'adressent aux Etats membres et leur demandent de veiller à ce que les petits producteurs locaux puissent participer aux marchés publics, notamment ceux en rapport avec la promotion de la consommation de fruits et de produits laitiers dans les écoles.
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